(éditions François Bourin, collection Le mythologue, dirigée par Georges Lewi)
Le mythe amniotique du numérique
Nous rencontrons de
nombreuses variantes du mythe aquatique originel du Web, qui se métaphorise en
ruissellement, flux, cultures
« liquides », et même en flots océaniques originels de la
création du monde. Cette métaphore est tellement répandue qu’on parle même du
numérique comme d’un déluge ou d’un tsunami qui nous emporterait.
La métaphore océanique
Nous commencerons par les
rivières qui mènent à l’océan. En 2012, au Palais des congrès de Montréal, lors
de la World Conference on Information Technology, l’un des grands congrès
mondiaux, c’est avec une « rivière numérique » que les organisateurs
ont accueilli les visiteurs. Ils invitaient même à s’y baigner leurs
invités de marque, tels Carlos Slim, magnat mexicain des télécommunications qui
trône au premier rang des hommes les plus riches de la planète, Justin Rattner,
directeur de la technologie de l'information chez Intel, Robert Youngjohns,
président de Microsoft pour l'Amérique du Nord, Don Tapscott, célèbre gourou des
TI et l'animateur de télévision américain Larry King. On avait même mis des
roches pour traverser cette rivière constituée d’un flux
de 0 et de 1 projeté sur le sol et encadré de photographies de paysages
canadiens. Et grâce à la réalité augmentée, les participants qui pointaient
leur téléphone intelligent vers ces flots
voyaient défiler sur leur écran des noms d'entreprises canadiennes actives en
technologies de l'information.
Au-delà de la rivière l’océan numérique est infini. Nous
découvrons dans ce nouvel imaginaire le mythe de
l’eau et même de ce que les Égyptiens appelaient « l’océan primordial ».
Avant la création divine régnait le chaos. Les océans étaient déchaînés. Les dieux
mirent de l’ordre dans les flots. Le numérique réactive les flots mythiques de l’origine
du monde.