Au-delà des Giardini, où se tient toujours la célèbre Biennale de Venise en arts visuels, le vaporetto nous conduit jusqu’à l’extrémité de l’île, où se situe l’ancien arsenal. C’est là que furent construits les bateaux de la république de Venise, qui parcoururent et dominèrent si longtemps la Méditerranée. Ce sont des architectures splendides, bâties sur de larges colonnes qui s’élèvent du sol et hors de l’eau et d’arches de pierre le plus souvent en briques, couronnées de vastes toitures. Il en sortait un nouveau bateau chaque semaine à la grande époque. L’activité y est aujourd’hui fort réduite. Le territoire demeure sous contrôle militaire, mais on n’y voit plus que de rares ouvriers s’affairer sur des coques de métal de petits bateaux rouillés. Un sous-marin calé sur la rive, et qui semble abandonné là à des touristes absents, prend une allure surréaliste.
On s’étonne de découvrir ainsi à Venise, sur une île si exigue conquise sur l’eau, un territoire si vaste mais apparemment oublié du monde, sur un site tellement extraordinaire, si inspirant, de part et d’autre d’un grand basin où la lumière vénitienne le dispute à l’eau que tant de bateaux ont sillonné jadis.
Pierre Villeneuve a répondu à la demande de la municipalité de Venise et notamment de Roberto d’Agostino, en proposant d’y développer un centre de la nouvelle économie numérique, un hub méditerranéen où les navigations numériques prendront la relève des flottes vénitiennes. Et il a amorcé le projet en y convoquant une première rencontre internationale de spécialistes, à laquelle il m’a invité à participer.
Les Canadiens ont de bonnes chances de se positionner, en raison de la réputation nord-américaine dans ce domaine, et de la neutralité canadienne qui séduit mieux que la superpuissance américaine.
Ce pourrait être un «port numérique franc», défiscalisé, jouant sur la convergence des nouveaux médias. On y trouverait des chercheurs, des entrepreneurs, des financiers, mais aussi des artistes et des philosophes. Le lieu invite à innover dans la vision, dans les idées, dans la création de contenus, dans la qualité esthétique et du design (à l’italienne). Situé près des Giardini de la Biennale de Venise, le site pourrait accueillir une biennale numérique associée à la Biennale actuelle, et qui la renouvellerait avec un volet actuel et futuriste.
On y imagine un vaste écran web public international, une salle d’art numérique, des salles de congrès, des chercheurs, un centre universitaire et de formation et un media lab, une cité du commerce électronique, une autre des jeux vidéo, un centre de téléenseignement, un Observatoire du numérique, une cité de PME de services et de contenus numériques. Un vaporetto relira directement le site à l’aéroport de Venise.
Pour réussir, il faut donner au site une différence qui s’inspire de son contexte local et une légitimité, qui permettra d’assurer son futur. Le projet exige du leadership politique, qui pourra s’inspirer des exemples de l’Irlande, des Émirats arabes unis ou de la Cité du multimédia de Montréal.
Une chance à saisir, pour toute l’Italie et l’Europe, qui devrait prendre conscience de l’enjeu symbolique, politique et économique de ce projet, et y apporter un soutien spécifique.
Hervé Fischer
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