2008-04-10

Le virtuel décadent


On n’arrête pas l’innovation. Elle a un tigre dans son moteur. Jacques Païtra, un spécialiste du changement social, qui a été notamment président de l’Université populaire fondée par le philosophe français Michel Onfray en France, affirme certes que : Aujourd’hui, les études le révèlent, la baisse du désir de consommation le confirme, la production d’imaginaire semble en panne dans tous les secteurs de la société. La foi religieuse est en baisse, aucune idéologie politique ne passionne les foules, les grandes marques ont perdu leur pouvoir de fascination. Mais, ajoute-t-il, seules les nouvelles technologies et certaines de leurs applications – comme le téléphone portable, le DVD- paraissent échapper à l’étouffement de l’imaginaire par le raisonnable, le mesurable, le quantifiable.* Il n’est pas sûr qu’il ait raison de façon générale, mais dans le domaine des nouvelles technologies, il est permis de parler de tous les excès et de beaucoup d’illusions. Nous savons déjà que le marché du papier et de l’encre électronique, qui en font vibrer plusieurs, est plus qu’incertain. Celui du livre électronique a déjà fait couleur beaucoup d’encre rouge, jusqu’à ouvrir toutes grandes les vannes d’investissements financiers perdus d’avance. Et nous reparlerons prochainement du dernier-né de ces fiascos prévisibles, le Kindle connecté Internet d’Amazon.com. Et que dire des autres inventions du siècle telles que l’écran d’ordinateur qu’on peut rouler comme une feuille de plastique de la compagnie HP, pour nomades, avec clavier pliable, des lunettes pour regarder la télévision en conduisant…

Certes, le téléphone cellulaire bracelet ou la clé USB en pendentif d’oreille peuvent être des bijoux élégants, mais que penser de l’écran d’ordinateur qu’on porte au cou « pour partager les images », ou du life phone de Marcelo Joulia, extraplat, qui s’ouvre comme un couteau suisse, présenté ci-dessus? Créer pour innover, telle est la devise aussi superbe que redondante du designer italien Stefano Marzano! On nous vante des utilités pour le citadin pressé, ou adepte du camping ou des sports extrêmes! Et on fabrique des gadgets extrêmement fragiles, inutiles et coûteux.

Salvador Dali créait des montres molles. Bravo pour le surréalisme et sa charge d’inconscient! Mais dans l’industrie, il ne serait pas inutile de confronter les imaginaires numériques aux usages sociaux. À moins d’avoir beaucoup de temps et d’argent à perdre. Et il semble que ce soit le cas de beaucoup d’innovateurs créateurs qui sont déjà rendus à l’ère du post-virtuel somptuaire. Le décadent virtuel? Il ne manque plus que le web parfumé. Mais si, cela existe déjà! Non, vraiment, notre époque ne manque pas d’imagination.

Hervé Fischer

* On trouvera ces déclarations dans un livre fort intéressant : Fabriquer le futur. L’imaginaire au service de l’innovation, sous la direction de Pierre Musso, Laurent Ponthou et Éric Seuillet, édition Village mondial, Paris, 2005.


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