Je n’ai cessé de dénoncer *, à contre courant de l’engouement actuel, les graves manques à l’éthique du désormais célèbre site Facebook, qui s’approprie contractuellement (en petites lettres) toute information que les multitudes d’ingénu(e)s en mal de convivialité sociale lui confient en abondance sans s’inquiéter du non respect de leurs données personnelles et finalement de leur vie privée, que Facebook se donne le droit de modifier, compléter et vendre à toute tierce personne désireuse de faire du marketing privé. L’effet de mode semble avoir jusqu’à présent protégé son fondateur M. Zuckerberg contre les poursuites. Et il y en a. Ce n’est pas tout : par deux fois – et la seconde date de début février – M. Zuckerberg a tenté de modifier encore davantage la propriété qu’il s’est donnée sur toutes nos informations privées, pour les vendre très officiellement aux acheteurs de data ming grâce au système Bacon, (un nom bien choisi pour s’engraisser, par M. Zuckerberg dont le nom allemand signifie montagne de sucre et qui est en passe de devenir a Goldberg : une montagne d’or. Le psychanalyste Lacan y aurait vu toute une fatalité.
Or, pour la deuxième fois, Facebook a reculé devant le tollé des protestations. Une pétition intitulée MoveOn.org a réuni en un moment près de 100 000 signatures de membres de Facebook qui se déclarent prêts à entamer la lutte et à quitter cette plateforme de socialisation trop impatiente de transformer les clics en dollars.
Cet exode d’utilisateurs et les dénonciations publiques sur le web seraient trop dommageables pour un site qui frise désormais une valeur boursière en milliards de dollars. Il est difficile de dire combien de milliards vaut Facebook tant que la société n’est pas entrée en bourse et par les temps de crise financière actuelle, c’est encore plus hypothétique, mais les évaluations sont déjà montées jusqu’à 11 milliards et Microsoft y a investit 240 millions.
Il faut savoir que Facebook compte maintenant plus de 150 millions d’usagers actifs, dont le nombre augmente de quelques 600.000 par jour. On prévoit qu’en mars 2009, Facebook comptera 200 millions d’usagers, soit à soi seul la population de plusieurs grandes puissances européennes. **
Il ne faut donc pas se faire d’illusion. Le recul de Facebook n’est que tactique. Ses dirigeants reviendront à charge, à pas feutrés, sous peu et continueront à grignoter discrètement sur le droit de ses clients au respect de leur vie privée. L’enjeu financier est vertigineux et seule une législation américaine plus musclée pourra moraliser peut-être un jour ce site qui enfreint actuellement toutes les lois avec la complicité angélique de millions de personnes, dont 70% ne résident pas aux États-unis. Les candidats politiques, les grandes entreprises, les églises y sont présents. On nous dit que chaque mois plus de 700 millions de photos et plus de 4 millions de vidéos y sont chargées, de même que 15 millions d’informations telles que des liens, des récits, des blogs, qui sont échangés entre les usagers. Plus de 2 millions d’événements y sont créés, plus de 19 millions de groupes sociaux divers s’y sont hébergés pour y mener leurs activités de socialisation et de promotion. Second Life même ne résista pas à la compétition et perd son attrait.
Combien de temps encore Facebook pourra-t-il agir contre les lois et leur esprit? Ou est-ce la loi de protection de la vie privée qui va céder sous cette pression qui ressemble à un tsunami numérique? Je parie avec conviction pour le retour en force de la loi un de ces jours, à l’occasion d’inévitables scandales à venir qui défrayeront immédiatement la planète web. Suis-je un prophète de malheur? Je crois plutôt à la nécessité du respect de la vie privée. Et je redoute ce genre de plateforme de socialisation qui tombe inévitablement sous la coupe de tous les marchands sans éthique et de la cybersurveillance généralisée, telle que l’analyse Éric Sadin dans son livre « Surveillance globale »***.
Mais dans l’immédiat, ce qu’il faut souligner, c’est bien que Facebook recule pour la deuxième fois. M. Zuckerberg reconnaît le droit de propriété des usagers sur les informations qu’ils confient à Facebook. C’est tout le contraire du contrat discret qui était en ligne jusqu’à présent et qui déclarait que tout usager aliénait entièrement ses informations au profit de Facebook et à perpétuité! Désormais, les internautes sont de plus en plus nombreux à avoir placé Facebook sous surveillance. Il s’agit d’une toute petite minorité, certes, mais active et consciente de ses droits et de son pouvoir, comme un cailloux dans la chaussure de M. Zuckerberg. L’avenir leur donnera raison. Il faudra que Facebook se civilise et réintègre le cadre de la loi sous peine de poursuites collectives que son image de marque ne supporterait pas sans pertes financières majeures et certainement impensables pour son créateur de génie.
Hervé Fischer
*Voir mon blog Facebook two faces, 12.05.2008
**Le lecteur trouvera un tableau chiffré des résultats mirobolants de Facebook notamment sur le site : http://www.readwriteweb.com/archives/facebook_growth_explodes.php
*** Voir la rubrique Actualité der l’actualité en date du 17 février..
1 commentaire:
nouvelle utilisatrice de FB je conçois parfaitement la limite du système. comment mettre FB sous surveillance et faire partie des cailloux?
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