Le congrès international INFORMATICA 2011 qui vient de se dérouler à La Havane a célébré les développements de l'industrie avec quelques deux mille participants de seize pays, et en particulier, bien sûr de l'Amérique latine. Un succès évident. Ce congrès coïncide d'ailleurs avec la mise en place d'un câble numérique sous-marin qui relira désormais l'île au Vénézuéla et donc au web mondial avec beaucoup plus de vitesse et de largeur de bande que ne le permettait le satellite, et cela malgré le blocage archaïque de Cuba qu'imposent encore les États-Unis contre les avis répétés des Nations Unies.
On le sait, non seulement Cuba démontre envers et contre tout un engagement politique et une conscience aiguë des inégalités qui fracturent notre planète, mais Cuba a bâti aussi une faculté d'informatique très importante et donc une grande expertise digitale - une expertise unique dans les Caraïbes. L'île a développé des services numériques locaux pour soutenir ses priorités en santé publique, éducation et culture, et cela malgré ses ressources financières très limitées. Il y a à Cuba un ministère dédié à l'informatique, ce qui est rare, des entreprises et des institutions telles que Citmatel, fournisseur de services internet et de solutions multimédia (notamment Bazar de Cuba, Soy Cubano pour le commerce électronique, et des produits pour l'enseignement à distance), Desoft pour les logiciels, Cubarte pour la culture, l'ICAIC pour le cinéma, Cedisap pour la santé, Avante, Disaic, Datazucar, Copextel, et beaucoup d'autres qui constituent un pôle de recherche et développement pour la production de technologies, de services et de contenus qui assurent à Cuba une position enviable. En outre, le projet Nova lancé en 2009 par le gouvernement a permis de développer un système opératoire très complet basé sur le logiciel libre, "fait par les Cubains pour les Cubains", qui permet d'échapper au coût des licences Microsoft.
D'où cette idée qui semble s'imposer que Cuba prenne l'initiative de développer des applications numériques alternatives à celles du Nord pour le développement du Sud. Lorsque nous observons l'inventivité africaine pour développer des services mobiles performants de banque et de micro-payement (Wizzit*, m-pesa, Safaricom), de vérification de l'authenticité des médicaments (mPedigree*), de santé publique, d'éducation, de prévention, d'emploi, etc., nous voyons bien que ce continent, qui compte aujourd'hui sans doute plus de téléphones cellulaires que de prises électriques, est devenu un incontestable développeur d'applications technologiques mobiles pour les pays émergents. Cuba a la pleine capacité de contribuer en première ligne à la création de cet "autre monde possible" dont nous rêvons, dans sa version numérique alternative à celle du capitalisme sauvage des pays riches. Il faut bien sûr espérer d'abord que Cuba rejoindra rapidement les autres pays d'Amérique latine pour la pénétration du téléphone mobile à des prix plus compétitifs qu'aujourd'hui. Et Cuba trouvera certainement de nombreux appuis stratégiques dans ce développement auprès des Nations Unies (coopération Sud-Sud soutenue par l'UNDP), des Fondations et des PME du Nord. La Fédération internationale des Associations de multimédia constitue une plateforme stratégique à cet égard. Cuba devrait désormais compter avec trois domaines d'excellence exemplaire pour les pays émergents: la santé, l'éducation et le numérique pour le développement - trois objectifs qui sont d'ailleurs étroitement liés, car le numérique est devenu une technologie basique pour la santé comme pour l'éducation. Les besoins et le marché du numérique de développement sont immenses, encore plus stratégiques que ceux des industries capitalistes, et beaucoup plus urgents pour l'humanité qui souffre d'une extrême pauvreté.
Hervé Fischer
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* Innovations primées par l'Observatoire Netexplorateur de Paris.
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