2012-10-13

Le numérique existenciel et la souffrance

Les médias rapportent et commentent abondamment le suicide en Colombie britannique d'une adolescente. Le journal Metro de Montréal en parle ainsi: Une jeune fille de 15 ans, de Coquitlam, en Colombie-Britannique, s’est enlevée la vie quelques semaines après avoir mis en ligne sur YouTube une vidéo expliquant qu’elle était victime d’intimidation. La GRC de Maple Ridge a confirmé qu’elle avait été avertie mercredi soir du décès d’Amanda Todd, étudiante en 10e année, mais n’a pas fourni de détails supplémentaires. Dans la vidéo mise en ligne le 7 septembre, Amanda Todd décrivait ses expériences, en mettant l’accent sur deux incidents. Le premier concernait un homme non identifié qui utilisait des scènes tournées par cybercaméra et dans lesquelles elle exposait ses seins nus lorsqu’elle était en septième année. Un an plus tard, l’homme avait fait circuler ces images sur Internet après avoir tenté de la faire chanter. Après avoir changé d’école, Amanda a de nouveau été victime d’intimidation et même de violence physique.
Ce triste exemple est terriblement révélateur des effets pervers possibles - et fréquents - du numérique sur la vie des adolescents.  Cette jeune fille avait manifestement développé le projet d'exister sur le web. Elle y présentait des vidéos, des photos; et l'une de ces photos qui la montrait peu vêtue, semble-t-il, circulait avec des commentaires sur le web. Elle avait investi son désir existentiel dans le monde virtuel; elle voulait y être célèbre et elle n'a pas été capable d'assumer psychologiquement l'intensité de cette existence. Plusieurs font l'hypothèse que son suicide même a  été pour elle un moyen qu'elle a choisi pour atteindre cette célébrité. Malheureusement elle y est parvenue. L'enquête nous éclairera sans doute sur ses motivations. Elle a voulu construire sa personnalité dans le numérique et le résultat est catastrophique. Cet exemple mérite une analyse approfondie de la dépendance au numérique, des processus de socialisation qu'il constitue, mais aussi de la perte du principe de réalité qu'il provoque et de ses effets pervers. On ne saurait sous-estimer la gravité de la souffrance existentielle qu'il révèle et que le numérique a manifestement exacerbé.

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