2008-07-11

Robots romantiques

WALL-E, un film réalisé par Andrew Stanton,
produit par Jim Morris et Lindsey Collins

(studios Pixar, de Walt Disney)

Au bout de 700 ans de solitude, Wall-E, laissé sur la Terre pour nettoyer la planète après le départ des humains vers d'autres galaxies, voit arriver Eve, en mission d'évaluation. Et il développe de plus en plus des sentiments humains. Nous voilà dans l'univers des robots émotifs et de l'amour robotique... Certes, il s'agit surtout d'être capable de toucher les gens par l'animation, puisque les visages des robots ne se prêtent pas aux expressions habituelles des humains, comme le souligne Ed Catmull, président de Disney et de Pixar. Mais pourquoi vouloir tant prêter des sentiments humains à des robots? C'est en 1984, à Montréal, que l'histoire des robots émotifs a commencé, avec le fameux court-métrage d'animation par ordinateur Tony de Peltrie, de Pierre Lachapelle, Pierre Robidoux, Philippe Bergeron et Daniel Langlois. Depuis, nous en avons connus plusieurs autres, qui sont devenus célèbres, dont le E.T. de Spielberg. Pour les auteurs de Tony de Peltrie, le défi était avant tout technique: prouver les performances de l'animation par ordinateur. Mais il est évident que les hommes aiment s'entourer de golems et d'humanoïdes. Ce n'est pas encore la version moderne des animaux imaginés dans les fables d'Ésope et de La Fontaine. Mais il semble qu'on leur attribue de plus en plus des caractères moraux à eux-aussi. Et il est logique qu'à notre époque Disney évolue progressivement, passant des canards, souris, loups et autres pingouins, à des robots qui reflètent davantage notre monde technoscientifique contemporain. Seuls les caractères psychologiques, les sentiments et les attitudes demeurent les mêmes à travers les siècles. Archaïques ou simplistes, un peu binaires, comme dans la science fiction.
Cette sentimentalité mécanique, ou ce romantisme numérique, est aussi sans doute une manière pour les humains, de s'approprier cette technoscience si puissante et envahissante, qui les fascine, mais aussi qui leur fait peur. Comme les Grecs prêtaient des sentiments humains à leurs dieux. Nous projetons la comédie humaine et ses héros sur tous nos écrans virtuels: jadis les ombres, le mur de la caverne, le ciel, et maintenant les écrans de cinéma, cathodiques et de plasma. En fait c'est nous-mêmes que nous projetons, dans nos propres cerveaux.
Tout évolue, rien ne change? Je ne l'affirmerai cependant pas. Je crois plutôt l'espèce humaine a connu de multiples mutations, accélérées, et va en vivre de nouvelles à l'âge du numérique. Des mutations dramatiques. Elles sont d'ailleurs nécessaires à notre survie, pour ne pas succomber à notre propre puissance technoscientifique, comme des apprentis sorciers. Une seule chose me semble certaine... ou à tout le moins peu désirable: devenir des cyborgs!
Hervé Fischer

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