2013-04-21

Le temps numérique


Le temps social de base de notre époque est devenu fébrile. Nous avons le sentiment d'être emportés dans une spirale en folle accélération. Pourtant, notre ordinateur nous invite sans cesse à patienter pendant qu'il charge nos données , ouvre de nouvelles fenêtres, se prépare à afficher un dossier, vérifie notre sécurité ou installe un nouveau logiciel. Il ronronne. Mais en fait, il travaille très vite, car les processeurs sont devenus puissants. ET c'est nous qui sommes devenus exigeants, impatients. Et la population de Bostons vient d'applaudir face à la performance de la police, qui a été capable d'identifier et de capturer très rapidement  les deux jeunes poseurs de bombes du marathon. Le monde entier y a assisté en temps réel sur les écrans de télévision. L.événement a été vécu comme un show télévisuel haletant, comme un polar où nous avons immédiatement pris fait et cause pour la police contre les méchants. Et le plus jeune des deux frères terroristes s'est finalement retrouvé aux soins intensifs dans le même hôpital de Boston où se trouvaient nombre de leurs victimes aux soins intensifs.
Inversement, dans nos sociétés, nous observons avec désespoir la lenteur des réformes politiques et sociales auxquelles nous aspirons, les sorties de crises qui n'en finissent plus, nous nous impatientons dans les engorgements du trafic urbain, dans les les circuits de parc à bétail où nous attendons pour enregistrer nos bagages, passer les contrôles de sécurité et  de police d'immigration dans les aéroports.
Et face au scandale des spéculations boursières, de la collusion et de la corruption, des injustices criantes, des violences fondamentalistes, nous voudrions que le monde entier perde patience et y mette fin sans plus tarder.
Nous vivons des urgences contradictoires. Nous voudrions ralentir le temps face aux catastrophes annoncées qui semblent vouloir se télescoper. Nous voudrions accélérer le temps du progrès face aux scandales qui perdurent. Plusieurs ont fait l'éloge de la lenteur, en dénonçant cette obsession de la vitesse qui nous précipite. Mais le temps de l'âge du numérique est sous tension, une tension parfois extrême. Une sorte de nervosité planétaire à laquelle nous sommes partie prenante. "Indignez-vous!", disait Stéphane Hessel. Oui: perdons patience !

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