2011-04-19

Twitter, un média ennuyeux?


On imagine avec Twitter un jeu nerveux, réactif d'échanges de messages entre abonnés, comme une partie de ping pong. La réalité est plutôt que les balles ne sont pas rattrapées, elles partent dans le décor. Peu de tweets sont retweetés. Et comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement. Nous ne sommes généralement pas dans un débat d'idées, mais plutôt dans le temps réel de l'action. Or, à moins que les abonnés ne soient sur le front ou dans une révolution de rue, comme on l'a observé cette année, ils ne sont pas dans une action intense. Les informations qu'ils émettent sont le plus souvent factuelles, et généralement sans grand intérêt, n'appelant pas de réaction. Il est rare que nous soyons, l'un ou l'autre au bon endroit, au bon moment, pour apprendre les premiers et pouvoir transmettre une information aussi importante qu'inédite. Il n'y a pas tous les jours, heureusement, un avion qui se pose en catastrophe sur l'Hudson, un tremblement de terre sous nos pieds, un gratte-ciel qui s'effondre ou un chef d'État assassiné devant nous. Beaucoup de twitters nous font part d'une anecdote de leur vie quotidienne, d'un état d'âme, d'un mot échangé avec une personne croisée, d'une opinion plus que succincte (140 caractères) sur un film, un livre, une conférence, un nouveau gadget. Et peut-être d'un détail pour faire fleurir ses bégonias. Inversement dans les bons cas, exceptionnels, on assiste en effet à des rafales de messages. Mais c'est beaucoup plus rare et limité que pour les commentaires de blogs, qui se comptent parfois rapidement par dizaines. Cela tient donc aussi certainement aux limites du genre. 140 caractères, c'est inhibant pour beaucoup de webavards, que cela ne séduit pas. On peut se demander si Twitter ne montre pas déjà ses limites, non dans la technologie, mais dans l'usage social qui peut en être fait. J'ai observé que les twitteurs émettent, comptent leurs abonnés comme un tableau de chasse, mais ne prêtent guère d'attention aux twitteurs auxquels ils sont abonnés. Comment le pourraient-ils lorsqu'ils affichent 500, 1000, 2000 abonnements?
Cette abondance d'abonnements - grâce auxquels on obtient par retour d'ascenseur des abonnés -, et qui est la loi paradoxale du genre: seulement 140 caractères, mais des milliers d'abonnements et d'abonnés, fragilise ce réseau. Finalement, il n'existe pas, malgré les "listes" thématiques qui se constituent, de véritable communautés sociales de twitteurs. On se doit d'en être, on s'assure d'y apparaître régulièrement, mais les échanges sont trop anonymes et superficiels pour que Twitter constitue un véritable réseau social. Twitter un média ennuyeux? Restons optimiste: l'usage peut évoluer, s'apprendre, s'intensifier. Aux usagers aussi de devenir inventifs, créatifs, de créer des liens forts. Twitter est un média social, cela ne fait aucun doute. Mais il faut aussi dire - et personne ne le dit, personne ne le voit, parce que cette innovation fascine encore les fervents du numérique que sont nécessairement les twitteurs -, que Twitter n'est pas encore un véritable réseau social, et ne le sera peut-être jamais. Seulement un self média, au sens d'un mass média fragmenté, éclaté, presqu'aussi peu interactif que les mass média. Une nouvelle catégorie de média qu'on n'a pas vu venir.

Je vais donc tenter de provoquer un débat sur cette question dans Twitter. Une expérience qui permettra peut-être de confirmer ou d'infirmer ces affirmations.
Hervé Fischer

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