2011-06-09
Le numérique est l'opium du peuple
Celui qui tente de vivre dans le monde réel une vie intense, sans illusion, ni amertume, découvre, un jour ou l'autre, l'alternative numérique d'un monde où il peut rêver d'être connu, aimé, célèbre, riche et puissant. D'un clic, d'un seul, il peut y exprimer ses désirs, satisfaire ses espoirs, sans que personne ne s'y oppose, sans effort, avec effet immédiat. Voilà une solution plus séduisante, plus rapide et plus facile que la voie du taoïsme.
Fin de l'anonymat terne et désespérant, de la solitude fade et démobilisatrice, de l'indifférence sans écho. Multipliant les messages, les déclarations, les images, il peut devenir le super héros virtuel qu'il n'ose plus espérer être dans la réalité. Le numérique est le déversoir toujours disponible, comme un tonneau percé des Danaïdes, de tout ce que nous ne parvenons pas à devenir dans le monde social réel. Le numérique jouit du privilège d'être un simulacre social où nous pouvons toujours espérer être aperçu, écouté, entendu, reconnu, remarqué, admiré, et conséquemment efficace enfin dans le monde réel. Personne ne vient contredire ce vain espoir, sauf les statistiques du nombre de visiteurs, qu'on prend pour une vague indication sans réalité. C'est là l'un des ressorts du succès des réseaux sociaux, des 700 millions d'inscrits à ce qu'on aurait dû appeler "Fakebook".
Marx aurait pu dire que le numérique est l'opium du peuple, comme il l'a soutenu à propos de la religion. Les médias sociaux jouent un rôle social compensatoire du plus grand intérêt, désamorçant, par les illusions qu'ils diffusent quotidiennement, toute velléité de révolte, apaisant les frustrations et les souffrances, accueillant les bras ouverts et réconfortant tous ceux qui sont en manque, exactement offrant satisfaction au manque de chacun. Immense entreprise de thérapie sociale gratuite pour le patient, rentable pour les entrepreneurs. Mieux que le Coca Cola et le karaoké.
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