2012-07-07

Le numérique est un oxydant social


Comme l’eau, le numérique est un oxydant. Un oxydant est un atome, une molécule, ou un ion capable de capter un ou plusieurs électrons d’un corps en fixant de l’oxygène sur lui. N’est-ce pas exactement ce que font les liens numériques, ceux de la navigation sur le web comme ceux des réseaux sociaux ? Un membre de Facebook peut même capter des centaines d’électrons-amis.
Le numérique agit sur la surface sociale comme un liquide oxydant qui la pénètre en fixant sur nous des hyperliens. L’oxydation numérique, comme l’eau se répand partout, elle dissout les structures rigides et fait circuler les atomes sociaux. Diluant la structure atomique et moléculaire de la société, elle la rend plus malléable et la vivifie.  En l’imprégnant numériquement, elle la transforme. Au-delà de la métaphore du liquide, nous usons donc aussi de celle de l’action chimique. La société a pu être interprétée au fil du temps selon de multiples métaphores successives, comme un organisme, comme un mécanisme physique pris sous la tension de forces contradictoires, comme un agrégat moléculaire ou atomique, etc. On parle aussi beaucoup de contamination virale. En recourant à l’image de l’oxydation, en évoquant une réaction chimique je souhaite souligner que malgré son apparente douceur, la numérique agit  en profondeur sur le tissu social. Un oxydant ne semble pas agressif, du moins au début ; mais lorsqu’il entame une surface, il ne la quitte plus. Il la mord et lui impose une mutation irréversible.
Et c’est important, car en biologie aussi, nous savons qu’il n’y a pas de vie sans oxydation moléculaire. Pas de respiration, pas de digestion sans oxydation. La métaphore est pertinente" Mais l’oxydation implique aussi des effets destructeurs de vieillissement, que ce soit de la matière ou de la vie. Nous avons appris à faire appel à des antioxydants. Que pouvons-nous imaginer quant à la société numérisée ? Nous ne saurions en envisager les bienfaits tout en ignorant ses effets négatifs. Pas de création, pas d’évolution, pas de divergence sans destruction. Pas de vie sans la mort. C’est la vie ! Et pas de technologies numériques sans accélération du changement. 
Nous avons donc aussi un immense besoin d’antioxydants capables de limiter les effets pervers du numérique, ses abus, ses utopies naïves, ses pathologies, telles que la dépendance, la cybersurveillance maligne, le non respect de la vie privée, la déréalisation. L'intégrisme numérique peut devenir aussi toxique que les fondamentalismes religieux, fasciste, communiste ou économique.  


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