Malgré l'implication au départ d'une cinquantaine d'auteurs et collaborateurs potentiels reconnus, il note que le modèle d'analyse et les idées proposés n'ont pas été repris par d'autres, coupant court à son développement. Il fait trois constatations, dont nous retenons ici quelques éléments clés :
- Première constatation : des intelligences isolées
Nous avons assisté à un feu d'artifice d'intelligence isolées mais peu portées vers des efforts collectifs.
- Deuxième constatation : le brouhaha du Web
Actuellement, tous les internautes désirent exprimer leurs opinions (blogues, wiki, etc.) mais peu lisent ou écoutent les autres. Le Web, où des millions d'informations non validées circulent dans le plus grand désordre, devient cacophonique…
Cette cacophonie actuelle empêche la création de synthèses collectives face aux exigence d'un changement profond, d'un renouveau démocratique et d'un new deal socioéconomique. Nous allons payer cher notre incapacité actuelle à lire les signaux qui s'accumulent depuis cinq ou dix ans.
- Troisième constatation : la francophonie ne fonctionne pas
Alors qu'Internet devient la scène où se prépare l'avenir (parce que c'est l'espace où les symboles et leurs sens sont échangés partout sur la planète) il n'y aura pas d'approche francophone capable de contribuer différemment aux discussions qui s'amorcent.
Et il nous communique des statistiques significatives, à plusieurs égards encourangeantes, de la fréquentation de ConstellationW (de janvier 2006 à avril 2007)
Nombre de visites : 174 912
Visiteurs uniques : 54 192 (175 par jours) (38 % sont revenus plusieurs fois)
Durée de la visite : 1 à 5 minutes **
Origine : Canada 30 %, États-Unis 26 %, France 16 % **
Collaborateurs : 77 inscrits, 16 participants actifs **
** insuffisant
Je voudrais ici rendre hommage à la vision et à la volonté de Michel Cartier. Saluer aussi sa lucidité.
Je parlais dans un blogue précédent, de notre cosmogonie impressionniste, de nos médias impressionnistes. La cacophonie du web, que dénonce Michel Cartier, ne fait que refléter la cacophonie du monde lui-même, même si plusieurs parlent à propos du web d'intelligence collective. Derrick de Kerkhove, directeur du Programme McLuhan à Toronto, s'en tient, avec plus de réalisme, à une intelligence connective. Elle est incontestable. La réalité est que nous lisons tous beaucoup, nous consultons énormément. Nous cannibalisons les informations qui circulent sur le web et nous en faisons la matière de nos réflexions et de nos prises de position. Le résultat n'est pas harmonieux ; chacun s'y comporte en tirailleur isolé et les meilleurs tireurs tiennent généralement à leur indépendance hors de toute église. Mais les coups résonnent assez bien. Le web n'est pas aussi intégrateur, que l'aurait sans doute voulu le projet de Michel Cartier, qui souhaitait nous réunir sur un même terrain de jeu, mais il n'en demeure pas moins que nous sommes tous de plus en plus connectés au web. L'internet est un véritable cordon ombilical numérique qui s'ajoute stratégiquement aux autres médias et aux livres pour nourrir nos réflexions. Mais il n'est pas requis de fédérer la pensée pour la faire avancer. Entre le chaos et le cosmos du monde, que nous retrouvons bien évidemment dans le chaos et le cosmos des idées et donc aussi dans le chaos et le cosmos du web, nous sommes tous en quête de sens, de construction de modèles, en dialogue permanent. Ce dialogue est visible, même lorsqu'il ne se déclare pas. C'est ce que démontrent les succès de Wikipédia, de Youtube, etc. Et cet Observatoire international du numérique vise aussi à adopter une plateforme wiki d'outils collaboratifs dès que possible.
Il faut saluer le travail de Michel Cartier et rester aussi optimiste qu'il l'a si souvent été lui-même. Chacun de nous contribue, dans un désordre inévitable et sans doute nécessaire, au progrès des idées, qui peut-être, un jour, s'incarnera plus lisiblement dans le progrès de l'humanité. Il n'y a pas de création sans désordre, sans divergence.
(Hervé Fischer)
1 commentaire:
On peut comprendre l'amertume de M. Cartier, mais il est regrettable qu'il ait fermé le site.
Il aurait souhaité, selon son courriel, offrir un héritage aux générations futures. Sauf son respect, nous pouvons croire qu'il l'a déjà fait avec une carrière plus que remplie et même si ConstellationW n'était pas à la hauteur des attentes, il était un jalon, à sa façon, sur le chemin de la connaissance. Mais en le retirant, il rend caduque à la fois son projet et son héritage et confirme doublement qu'il tire sa déception d'être confronté à une façon de faire dans le monde numérique qui le dépasse.
Retirer les archives (ce qu'il avait fait déjà pour la première mouture de ConstallationW) indique une incompréhension patente des modalités de transfert et de filtrage de l'information sur Internet. Confirmé en cela, dès le départ, par l'absence de fils web, de commentaires et autres piliers d'une bonne architecture de participation. Qu'il en ait tiré une frustration administrée par des statistiques anémiques n'est pas une surprise.
Cela dit, je ne crois pas du tout que ConstellationW était un insuccès, au contraire. Mais il faut croire qu'il vient de créer une prophétie autorévélatrice....
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