Aujourd'hui, j'ai plaisir à céder la parole à Paul Cauchon, journaliste québécois des médias, qui commente dans Le Devoir du 19 mai l'émission que l'humoriste, comédien et musicien Jici Lauzon a consacrée au zapping. Le zapping a mauvaise réputation. Et pourtant la zapette est l'une des plus belles inventions du monde de la télévision, l'emblème de notre ultime liberté médiatique. Elle permet de zapper le harcèlement de la publicité et d'échapper à la bêtise qu'elle exploite si souvent. C'est aussi le symbole de notre nouvelle structure mentale, qui fonctionne selon la logique des liens et non plus seulement de la causalité linéaire, terriblement réductrice par rapport à la complexité du monde, et trop souvent instituée comme un mode d'exercice du pouvoir idéologique central sur ses sujets. Voici donc l'intégrale de l'article de Paul Cauchon:
La pire chose qui pourrait arriver à Jici Lauzon, c'est qu'on zappe pendant son émission. En effet, dans cette édition de Mon oeil (une série de documentaires réalisés par des personnalités connues), Lauzon examine justement les ravages du zapping. On en parle peu souvent, mais l'invention de la télécommande est sûrement aussi importante que celle de la télévision en couleur et sûrement davantage que celle de la haute définition, dont on fait tout un plat. Avec humour, bien sûr, mais aussi avec sérieux puisqu'il mène des entrevues avec des universitaires et des spécialistes en tout genre, Jici Lauzon fait le procès de cette invention diabolique. Selon une étude américaine, un téléspectateur moyen peut zapper de 4 à 107 fois la minute. Les plus grands zappeurs? Les hommes, et particulièrement ceux de 35 à 44 ans. La télécommande est un enjeu de pouvoir chez les couples, où on se dispute pour savoir qui la contrôlera. Elle a mis fin à la fidélisation envers les chaînes pour permettre l'essor des chaînes spécialisées. Elle fait paniquer les annonceurs, qui cherchent maintenant à intégrer la publicité dans les émissions, et elle pourrait être responsable de déficits d'attention. Même les politiciens s'y sont adaptés en cherchant les petites phrases-chocs qui vont retenir le téléspectateur! Elle serait le symbole de l'ensemble de nos comportements humains: en effet, nous zappons de plus en plus les relations et les amours, obsédés de trouver la bonne personne en trois minutes. Mais c'est aussi «une valeur ajoutée», soutient Hervé Fischer, puisqu'elle permet «un contrôle sur le désordre et la vitesse du monde». Pas mal.
On pourra voir cette émission au Canal D, le 23 mai, à 20h: "Mon oeil! - Le procès du zapping", Canal D, 20h
(Dans l'image d'écran de télévision ci-dessus, nous avons aussi le privilège d'observer notre "cosmogonie impressionniste", dont je vous entretenais dans une chronique précédente)
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