2014-02-01

La magie bleue du numérique



Le numérisme est devenue une sorte de religion pour les uns, une drogue pour d'autres, un pouvoir qui dépasse nos capacités de compréhension pour les agnostiques, une puissance magique pour les païens. Et pour les athées et ceux qui n’osent pas encore s’affirmer comme tels, une technologie prométhéenne. Ce serait pour les Égyptiens anciens le char solaire de Rê, pour Grecs l’éclair de Zeus, pour les Vikings le Grand Drakkar des océans, pour les Germains Wotan lui-même, pour les Incas l'omnipotence du dieu Soleil. Il réchauffe nos psychés, ou les glace s'il ne se manifeste pas sur nos écrans. Nous sommes devenus une planète du Soleil numérique: e-Earth, comme nous appellent les prêtres de cette nouvelle foi. Notre nouvelle Voie lactée ruisselle de pépites numériques que guettent les internautes orpailleurs.
Soleil d'or? Soleil créateur ? Soleil dont l'éclat noir nous aveugle? Soleil sinistre qui annonce notre catastrophe finale? Soleil de la magie bleue dont nous manigançons quotidiennement les algorithmes? Soleil de Faust? Soleil nocturne? Celui de nos angoisses, de nos rêves alambiqués, de nos cauchemars et de nos insomnies prémonitoires?
Lorsque les hommes créent un dieu, c'est qu'ils en attendent quelque chose. Rien de moins que le secret de leur origine et de leur destin. Les monothéistes lui délèguent leur intelligence et  leur âme, en espèrent leur salut personnel et des promesses de paradis dans l'autre monde. Nous, les athées, attendons de ce nouvel astre la réalisation de notre instinct de puissance pour recréer le monde à notre image. Le numérique nous a rendu la foi. Nous avons remplacé l’au-delà et le paradis par le virtuel. Les postmodernes, qui ne croient plus à rien, sauf aux dieux de toutes les mythologies, n'en attendent que tribalisme et jouissance immédiate. Ce sont les païens de notre temps. Le numérique est au nombre des feux follets et des petits lutins qui les amusent.

L'astrophysicien-poète Hubert Reeves dit que nous sommes "fils des étoiles".  Sans doute. Mais ce soleil numérique qui brille dans notre nuit en est un autre, celui de notre création humaine, notre reflet, le porteur de nos espoirs, de nos cupidités, de nos instinct de plaisir, de puissance et de mort : Éros- Prométhée - Thanatos. Nous sommes devenus aujourd’hui des Homines numerici. Et ce n'est que le début d'une puissante mutation anthropologique qui nous entraînera au-delà de toutes nos prévisions, vers des divergences encore impensables. La mythanalyse du numérique est un grand sujet d'analyse des paramètres de l'aventure humaine.

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