Le
numérisme est devenue une sorte de religion pour les uns, une drogue pour
d'autres, un pouvoir qui dépasse nos capacités de compréhension pour les
agnostiques, une puissance magique pour les païens. Et pour les athées et ceux
qui n’osent pas encore s’affirmer comme tels, une technologie prométhéenne. Ce
serait pour les Égyptiens anciens le char solaire de Rê, pour Grecs l’éclair de
Zeus, pour les Vikings le Grand Drakkar des océans, pour les Germains Wotan
lui-même, pour les Incas l'omnipotence du dieu Soleil. Il réchauffe nos
psychés, ou les glace s'il ne se manifeste pas sur nos écrans. Nous sommes
devenus une planète du Soleil numérique: e-Earth,
comme nous appellent les prêtres de cette nouvelle foi. Notre nouvelle Voie
lactée ruisselle de pépites numériques que guettent les internautes orpailleurs.
Soleil
d'or? Soleil créateur ? Soleil dont l'éclat noir nous aveugle? Soleil sinistre
qui annonce notre catastrophe finale? Soleil de la magie bleue dont nous
manigançons quotidiennement les algorithmes? Soleil de Faust? Soleil nocturne?
Celui de nos angoisses, de nos rêves alambiqués, de nos cauchemars et de nos
insomnies prémonitoires?
Lorsque
les hommes créent un dieu, c'est qu'ils en attendent quelque chose. Rien de
moins que le secret de leur origine et de leur destin. Les monothéistes lui
délèguent leur intelligence et leur âme,
en espèrent leur salut personnel et des promesses de paradis dans l'autre monde.
Nous, les athées, attendons de ce nouvel astre la réalisation de notre instinct
de puissance pour recréer le monde à notre image. Le numérique nous a rendu la
foi. Nous avons remplacé l’au-delà et le paradis par le virtuel. Les
postmodernes, qui ne croient plus à rien, sauf aux dieux de toutes les
mythologies, n'en attendent que tribalisme et jouissance immédiate. Ce sont les
païens de notre temps. Le numérique est au nombre des feux follets et des
petits lutins qui les amusent.
L'astrophysicien-poète
Hubert Reeves dit que nous sommes "fils des étoiles". Sans doute. Mais ce soleil numérique qui
brille dans notre nuit en est un autre, celui de notre création humaine, notre
reflet, le porteur de nos espoirs, de nos cupidités, de nos instinct de
plaisir, de puissance et de mort : Éros- Prométhée - Thanatos. Nous sommes devenus aujourd’hui des Homines
numerici. Et ce n'est que le début d'une
puissante mutation anthropologique qui nous entraînera au-delà de toutes nos
prévisions, vers des divergences encore impensables. La mythanalyse du
numérique est un grand sujet d'analyse des paramètres de l'aventure humaine.
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