- Le
cannibalisme de l’écran. Les écrans auront donc de plus en plus de présence et de
pouvoir dans le monde du XXIe siècle. Il ne faut pas s’étonner alors que non
seulement les gestionnaires et les scientifiques en usent et en abusent, mais
que les artistes aussi les investissent, comme des espaces imaginaires qui les
appellent! Les écrans sont déjà connotés en tant qu’espaces cinématographiques,
télévisuels, et donc narratifs. Les artistes peuvent en renforcer
l’interactivité, mais ils ne peuvent plus en réduire la multisensorialité. En
d’autres termes, l’écran exige l’image en mouvement et le son, autant dire le
multimédia et l’événementiel. Les écrans sont devenus sonores. Couper le son de
la télévision ou d’une projection cinématographique, c’est déréaliser les images,
quasiment les anéantir. Les arts visuels, au sens traditionnel et iconique du
terme, s’accommodent mal de la dynamique de l’écran. La peinture, le dessin, la
sculpture en subissent le contrecoup.
Non
seulement les écrans cannibalisent le réel, comme l’a dénoncé Jean Baudrillard
avec l’émotion du tragique, mais avec les écrans dynamiques, le mouvement en emporte
même les images. Il les affiche pour les effacer aussitôt, dans le pétillement
de l’instantanéité. La montée en puissance des écrans, dans la mesure où ils
remplacent les matériaux inertes, le papier, la toile, a créé un choc dans
l’histoire de l’art, une rupture qui pourrait paraître irréversible, mais
contre laquelle il faut lutter, car c’est aussi nous-mêmes que les écrans se
préparent emporter dans leur instabilité brownienne. Comme si, pour reprendre
les termes de cette mystification étrange en termes plus réels, c’étaient les
hommes qui se cannibalisaient eux-mêmes en s’engouffrant dans les écrans qu’ils
manufacturent et commercialisent fébrilement.
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