-La
survalorisation du monde écranique. Les
écrans, de toutes sortes, se multiplient dans notre environnement quotidien :
écrans de montre, de compteur, de téléphone, de télévision, de cinéma,
d’ordinateur, de borne publique, de publicité, de signalisation, de recherche
scientifique et médicale, et de jeux : le réel se décline sur tous les écrans
de la vie avec une puissance conquérante irrépressible. Les écrans publics
deviennent de plus en plus grands et lumineux, lisibles même en plein soleil.
Les écrans permettent la communication à distance, l’immersion perceptive, ils
suscitent une délocalisation de la vie, un nomadisme des messages, une
multifonctionnalité des informations, un hyperréalisme des images, et une
interactivité quasi magique, qui transforme le monde en un caléidoscope
d’écrans, comme un ensemble fragmenté de détails lisibles du réel, à la manière
d’un hologramme de transmission, dont tous les fragments contiennent la
totalité de l’image.
On
dirait que l’humanité est passée de l’autre côté de l’écran, dans une sorte
d’irréalité, dans la lumière du miroir numérique, et que les icônes et
hyperliens de nos écrans cathodiques nous ramènent à un monde aussi symbolique
que les vitraux du Moyen-âge.
On nous
offre aussi des médias enrichis, des réalités augmentées, qui acquièrent
d’autant plus de densité ontologique qu’ils contiennent plus d’informations.
Mais ce serait pourtant une erreur de croire qu’avec la société de
l’information, qui est évidemment de ce fait même aussi la société de l’écran,
nous avons complètement basculé dans le virtuel. Il serait très présomptueux et
encore plus imprudent d’affirmer que le réel est une illusion. Sa résistance à
nos désirs et son poids de souffrance humaine en attestent. Nous gardons des
attaches avec le réalisme, ne serait-ce que par instinct de conservation, et
par un enracinement écologique. Les écrans sont aussi des pièges à réalité. Ils
la traquent, la braconnent et l’enflent, la zooment.
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