Avec le numérique nous nous libérons de beaucoup d’entraves du réel. Mais inversement, nous sommes pris dans l’entrelacs des hyperliens que nous tissons sur la toile et qui nous y retiennent jusqu’à la dépendance. Nos trois instincts fondamentaux, Éros, Thanatos et Prométhée y règnent à l’envie. Car ce sont les désirs de plaisir, de destruction et de puissance qui créent beaucoup de ces liens. Et la technologie numérique en augmente la charge émotionnelle. Ignorant, ou oubliant, que ce sont des algorithmes prosaïques qui les régissent, nous lui prêtons des forces irrationnelles. Voilà la magie du numérique. Comme toute magie, elle repose sur des techniques, des rituels, des tensions psychiques et des croyances. Elle semble étonnamment puissante à ceux qui la découvrent. Mais pour les nouvelles générations, elle est déjà ordinaire. Et cette familiarité avec la souris et les consoles de manipulation tend à modifier d’autant plus leurs comportements de base. Le numérique, malgré son apparence technologique objective, se déploie paradoxalement dans le registre de la subjectivité, de l’affectivité, que renforce notre intimité avec l’écran cathodique. On observe d’ailleurs que bien des personnes confient au rectangle de lumière bleutée, dans le clavardage ou dans des courriels, des confidences ou des propos transgressifs qu’elles n’oseraient pas exprimer de vive voix à leurs interlocuteurs. Et nous tolérons dans notre boîte à lettres virtuelle bien des publicités et des images qui feraient scandale dans notre boîte à lettre de maison.
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