Il est réaliste et pertinent de parler de l’« homme augmenté », cette
expression qui me semble bien traduire le néologisme anglais d’empowerment, qui fait écho certes à notre
instinct de puissance (CyberProméthée), mais souligne une innovation radicale
dans notre histoire tout à la fois technologique et anthropologique, celle del’apparition
de l’électronique (les transistors) et de l’informatique (la programmation)
dans la conception des outils, qui ne travaillent plus en fonction de l’énergie,
mais de l’information. En fait, l’empowerment
existe depuis toujours et s’incarne dans le mythe de Prométhée. L’homo faber en poursuit l’ambition
pendant des millénaires. Il invente le silex, la roue et toutes les
exploitations successives de l’énergie à l’âge du feu. L’émergence de la
cybernétique et de ce qu’on appelle aujourd’hui la machine intelligente a créé
la divergence numérique dans l’évolution de la technologie. On est passé de la
machine-outil (fut-elle dotée d’un servomoteur, qui relève encore de
l’utilisation de l’énergie mécanique) à l’ordinateur et à toutes ses
applications dans la technologie. Les médias électriques sont devenus
numériques : ainsi le téléphone est-il devenu « intelligent »
lorsqu’on a remplacé son dispositif de vibration magnétique par un ordinateur
miniaturisé. Et c’est une facilité de l’appeler encore un téléphone, alors
qu’il nous offre cette fonctionnalité parmi tant d’autres : photo, vidéo,
courriels, agenda, écriture, calculatrice, navigation sur l’internet, géolocalisation,
etc. Il a remplacé le silex préhistorique, il tient lui aussi dans la main, il est
tout aussi mobile, mais il est beaucoup plus puissant, car il est devenu « intelligent ».
L’homme numérique est toujours et demeurera de chair et d’os. Mais il dispose de plus en plus de
prolongements numériques de son corps, de plus en plus d’objets communicants,
qui décuple ses capacités physiques (exosquelettes), celles de ses sens tactile
et visuel, et augmente sa longévité, sa santé, sa mémoire, son accès aux
connaissances, son pouvoir d’analyse, de contrôle, de gestion, instrumental et
de création, ses moyens de communication professionnels et privés. Puissance,
bonheur et plaisir sont supposés augmenter de même. Et mieux encore : sa « conscience
augmentée », grâce à tous les liens qui lui donnent en temps réel une
information mondiale, les événements, les scandales, la condition des autres
humains, pourra peu à peu générer une éthique planétaire.
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