2014-01-31

Les sociétés écraniques (1)




Notre image du monde a considérablement évolué depuis le paysagisme impressionniste. Et pour reprendre les critiques des situationnistes, on pourra souligner qu’avec le web, nous passons de la société du spectacle à l’étape suivante, plus extrême, la société écranique, qui ressemble même parfois à une caricature de la ville! On pourrait soutenir aisément que le monde n’est fait que d’écrans. Instruments de notre nouvelle puissance ubiquiste ou gadgets ubuesques d’un monde schopenhauerien comme jeu et comme représentation, les écrans de notre temps, dans toutes les variations de leurs colorations artificielles, de leurs fonctions interactives et de leurs déréalisations, nous aspirent dans les espaces numériques. Apparences qui nous cachent la réalité, ou rectangles cathodiques qui la modélisent, la projettent et lui donnent des significations symboliques nouvelles, les écrans déclinent toutes les métaphores de notre image du monde et nous donnent accès à un ailleurs virtuel. L’écran devient un média en soi, comme la radio ou le téléphone. On pourrait dire, à la manière de McLuhan : « l’écran, c’est le message ». J’ai proposé d’appeler « nouveau naturalisme » ce monde écranique qui nous cannibalise. On ne saurait sous-estimer la diversité de ces écrans.

- Le tout à l’écran. La philosophie kantienne nous invitait à relativiser notre connaissance, au niveau perceptif des phénomènes et des formes a priori de la sensibilité. La philosophie phénoménologique nous a appris depuis, en suivant la pensée de Husserl et de Merleau-Ponty, à relativiser encore plus notre rapport au monde, comme l’ont fait aussi les peintres cubistes. Avec eux, notre perception est devenue imaginaire, parce qu’intentionnelle, instrumentale, psychologique, culturelle, sociologique, etc. Nous ne sommes plus dans le dispositif simple d’un observateur qui examine un objet extérieur à lui, mais dans un jeu bidirectionnel, en constante mouvance, l’objet observé étant lié à l’observateur et réciproquement. Marcel Duchamp disait que c’est le regardeur qui fait le tableau. En d’autres termes, l’objet dépend de l’observateur.

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