Notre
image du monde a considérablement évolué depuis le paysagisme impressionniste. Et
pour reprendre les critiques des situationnistes, on pourra souligner qu’avec
le web, nous passons de la société du spectacle à l’étape suivante, plus
extrême, la société écranique, qui ressemble même parfois à une caricature de
la ville! On pourrait soutenir aisément que le monde n’est fait que d’écrans.
Instruments de notre nouvelle puissance ubiquiste ou gadgets ubuesques d’un
monde schopenhauerien comme jeu et comme représentation, les écrans de notre
temps, dans toutes les variations de leurs colorations artificielles, de leurs
fonctions interactives et de leurs déréalisations, nous aspirent dans les
espaces numériques. Apparences qui nous cachent la réalité, ou rectangles
cathodiques qui la modélisent, la projettent et lui donnent des significations
symboliques nouvelles, les écrans déclinent toutes les métaphores de notre
image du monde et nous donnent
accès à un ailleurs virtuel. L’écran devient un média en soi, comme la radio ou
le téléphone. On pourrait dire, à la manière de McLuhan : « l’écran, c’est le
message ». J’ai proposé d’appeler « nouveau naturalisme » ce monde écranique
qui nous cannibalise. On ne saurait sous-estimer la diversité de ces écrans.
- Le
tout à l’écran. La philosophie kantienne
nous invitait à relativiser notre connaissance, au niveau perceptif des
phénomènes et des formes a priori de la sensibilité. La philosophie
phénoménologique nous a appris depuis, en suivant la pensée de Husserl et de
Merleau-Ponty, à relativiser encore plus notre rapport au monde, comme l’ont
fait aussi les peintres cubistes. Avec eux, notre perception est devenue
imaginaire, parce qu’intentionnelle, instrumentale, psychologique, culturelle,
sociologique, etc. Nous ne sommes plus dans le dispositif simple d’un
observateur qui examine un objet extérieur à lui, mais dans un jeu
bidirectionnel, en constante mouvance, l’objet observé étant lié à
l’observateur et réciproquement. Marcel Duchamp disait que c’est le regardeur
qui fait le tableau. En d’autres termes, l’objet dépend de l’observateur.
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