On a souvent souligné que les nouvelles technologies sont beaucoup moins menaçantes pour l’environnement que les anciennes, qui étaient basées sur les ressources naturelles, l’énergie et les mines, et terriblement polluantes. L’esprit du temps aussi a changé, en raison de l’urgence créée par les bouleversements climatiques. Une encyclopédie participative Ekopedia (1), déjà en dix langues, tend à recenser et mettre en ligne les problématiques et les solutions écologiques auxquelles nous devrions tous prêter attention. Les communications par ordinateur, incluant les informations, les documents de travail, les courriels privés, et maintenant la généralisation électronique des billets d'avion, tendent à réduire l’utilisation du papier et contribuent à préserver des forêts. La publicité des manufacturiers canadiens nous montre des images emblématiques d’usagers d’ordinateur portable sur un ponton au bord d’un lac aux eaux pures. Et il convient de souligner ce que les industries douces de l’environnement doivent au numérique. On ne conçoit plus l’écologie sans l’imagerie scientifique numérique, qu'il s'agisse de la détection des variations de l’ozone, des relevés par satellite des densités de plancton dans les océans, des modélisations, des simulations, des capteurs fins de pollution dans l’air, etc. qui seraient impensables sans les ordinateurs et les logiciels sophistiqués auxquels on recourt désormais quotidiennement. Nous usons d’algorithmes écologiques, par exemple pour suivre l’évolution de la biodiversité et évaluer les impacts conjugués des divers paramètres humains, biologiques, météorologiques (2). Non seulement les nouvelles technologies sont douces, mais le numérique vert nous aidera peut-être à sauver les écosystèmes fragiles de la nature. À cet égard, le rapport traditionnellement conflictuel entre technologie et nature s’est en partie inversé.
Une électronique verte?
Mais peut-on parler aussi d’électronique verte? Certes, nous usons de thermostats pour mieux contrôler nos usages énergétiques. Mais s’il est vrai que quinze ordinateurs fonctionnant en même temps, ou que nous avons l’habitude de laisser ouverts, créent autant de gaz à effet de serre qu’une voiture moyenne, comme le souligne la publicité d’un logiciel qui prétend contribuer à sauver la planète (3), nous allons certes devoir changer nos habitudes laxistes en éteignant les ordinateurs inactifs. Déjà Google a décidé de se mettre au vert et d'investir dans les énergies renouvelables en soulignant qu'il était gros consommateur d'électricité avec ses multiples serveurs géants." Les quantités d'énergie que les ordinateurs consomment dans le monde sont énormes. Notre but est de les réduire ", selon Nelson Mattos, vice-président de la recherche et développement (R & D) pour l'Europe chez Google. Mais il y a bien pire : nous produisons entre 20 et 50 millions de tonnes de déchets électroniques chaque année dans le monde, selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Nos sites d’enfouissement s’emplissent désormais d’équipements électroniques, téléviseurs, ordinateurs, téléphones cellulaires que nous mettons au rebut, ce qui constitue une pollution électronique en croissance exponentielle et encore plus menaçante lorsque ces déchets sont incinérés. On a pu estimer que nous rejetons quelques
Nous allons devoir donner une attention particulière à ces problèmes inédits, développer des ordinateurs biodégradables, apprendre à contrôler la récupération des composants polluants, apprendre à recycler ces équipements, notamment à des fins éducatives et de développement dans les pays démunis. Consommer et jeter, l’axiome du capitalisme dit évolué, est devenu à l’âge du numérique une lourde menace écologique. C’est donc aussi un problème d’éducation et de gestion. Des organismes internationaux ont entrepris de vastes campagnes de conscientisation, notamment Greenpeace (7). L’Europe, qui produit déjà annuellement quelques six millions de tonnes de déchets électroniques par an, a légiféré. Mais ses directives écologiques sont actuellement encore mal respectées. En Amérique du Nord, nous sommes à cet égard encore plus en retard qu’en Europe. Au Canada, Duncan Bury, du Bureau national de la prévention de la pollution, d’Environnement Canada souligne en 2008 que « nous devons nous attaquer à ce type de risque environnemental qui, bien entendu, n’existait pas il y a dix ans ». Il ajoute que: « Au Canada, selon nos estimations, quelque 158 000 tonnes de déchets électroniques sont éliminées chaque année et l’on s’attend à ce que cette quantité augmente de 30 % d’ici l’année 2010. Si rien n’est fait, nous verrons ce chiffre grimper continuellement, compte tenu des durées de vie du matériel et de l’arrivée constante de nouvelles applications, de plus grande ampleur » (8). Plusieurs organismes de lutte contre le pollution électronique existent au Canada, notamment Electronics Product Stewardship Canada (EPS Canada) (9).
Des artistes verts?
L’UNESCO a institué en 2007 un prix consacré aux arts numériques traitant de l’écologie (10). L’Observatoire Leonardo pour l’art, la technologie et la science (OLATS) s’intéresse aux thèmes du climat et soutient la diffusion du travail d’artistes numériques travaillant sur des thèmes écologiques (11). Admettons que ces artistes sont encore peu nombreux. On ne peut certes confondre écologie et morale (la vertu verte complique passablement les problématiques politiques de l’écologie, comme le souligne le philosophe français Bruno Latour), ni davantage art et morale (les bons sentiments ne font pas de l'art intéressant, pour paraphraser André Gide à propos de la littérature). Les beaux paysages ne traitent pas davantage la question. C’est donc un champ nouveau de création artistique qu’il faut envisager. Lucy Lippard, critique d’art renommée a organisé récemment une exposition intéressante au Boulder Museum of contemporary art - Colorado (12). Ecoarts propose un site en ligne, à vrai dire assez conformiste (13). Mais au-delà des déclarations d’intention ou des dénonciations, les chefs d’œuvre d’art numérique écologique ne courent pas encore la planète. Le Land art et les démarches de plusieurs artistes traitant du thème "art et nature" ont certainement déjà préfiguré des résonnances écologiques marquées. Mais elles ne recourent presque à une expression numérique de la nature, sauf peut-être dans le cas du japonais Masaki Fujihata qui lie des enregistrements video du paysage à son ascension du mont Fuji enregistrée sur un GPS (14). L'art numérique écologique est encore à inventer. Il reflètera directement les deux dimensions les plus marquantes de notre sensibilité en ce début du XXIe siècle. Le numérique est appelé à verdir davantage.
Hervé Fischer
(1) Voir : www.ekopedia.org
(2) Voir : http://biodiversite.wallonie.be/outils/methodo/predictionpouruneespece.htm
(3) Voir le site LocalCooling.com
(4) Voir : www.silicon.fr et beaucoup d’autres sites, tels que :
www.pcinpact.com/actu/news/Deux_directives_pour_reduire_la_pollution_electron.htm
(5) Voir : http://www.lexpress.to/archives/1984/
(6) Voir : http://www.chine-informations.com/actualite/chine-le-probleme-des-dechets electroniques_9314.html
(7) Voir : En route pour une électronique verte, GreenpeaceFrance http://www.greenpeace.org/france/press/reports/enqu-te-en-route-pour-une-ele.
Voir aussi : http://technaute.cyberpresse.ca/200612/06/nouvelles/materiel-informatique/
12770-trop-dordinateurs-a-la-poubelle.php
et : http://afp.google.com/article/ALeqM5gbXfE883Kn14V10K1bf7ihonv89A
(8) Voir : http://www.cec.org/trio/stories/index.cfm?varlan=Francais&ed=14&ID=157
(9) Voir : http://www.epsc.ca et http://www.wired.com/science/discoveries/news/
2003/03/57990
On trouvera aussi des chiffres comparatifs pour différents pays, malheureusement déjà anciens, à : http://ewasteguide.info/international_e_waste_generation
(10) Voir : http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-URL_ID=32309&URL_DO=DO_TOPIC&URL_
SECTION=-465.html
(11) Voir : http://www.olats.org/fcm/artclimat/artclimat.php
(12) Voir : http://www.bmoca.org/artist.php?id=74
(13) Voir : http://www.ecoartsonline.org/
(14) Voir une liste de ces artistes à: http://stephan.barron.free.fr/technoromantisme/art_ecolo.html
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